Hors de portée

Nessren Ourdyl  | 

Nessren Ourdyl est étudiante en première année dans une université américaine. (Gracieuseté de Nessren Ourdyl)

Pourquoi l’enseignement supérieur est-il souvent impossible à atteindre pour les étudiants à faibles revenus dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures aux États-Unis ?

En tant qu’étudiante dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures aux États-Unis, j’ai toujours eu le sentiment que mon identité me rendait plus forte. Mes compétences en traduction m’ont semblé être un superpouvoir chaque fois que j’ai aidé mes parents à remplir des formulaires en anglais. J’ai été fière d’obtenir de bonnes notes même si je n’avais pas reçu d’aide académique de leur part. Bien sûr, cela a été difficile de naviguer dans les territoires inexplorés des opportunités périscolaires et des candidatures pour entrer à l’université, mes parents n’ayant pas grandi ici et n’ayant pas été eux-mêmes allés à l’université. Néanmoins, j’ai réussi à surmonter ces obstacles grâce à ma propre détermination et aux encouragements de mes amis, de mes enseignants et de mon frère aîné (qui était véritablement le premier à suivre des études supérieures).

Alors, quand je suis arrivée à l’université, j’imaginais que j’allais continuer à surmonter les nombreux défis auxquels sont confrontés les autres étudiants à faibles revenus dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures. Après tout, je venais juste d’obtenir mon diplôme en tant que première de ma classe et avec de nombreuses distinctions. J’étais convaincue que j’étais différente, compétente, invincible. Je pensais naïvement que j’avais déjà traversé les épreuves et tribulations de la vie en allant plus loin que mes parents. Ce en quoi je me trompais gravement.

Bien que je fréquente une institution dont les besoins sont à 100 % satisfaits - ce qui signifie que ma famille reçoit l’aide financière maximale dont elle a besoin pour payer mes frais de scolarité - je n’avais pas réalisé les coûts financiers cachés qui accompagnent des études universitaires aux États-Unis.

Nessren Ourdyl, étudiant de première année dans une université américaine, explique pourquoi l’enseignement supérieur est souvent impossible à atteindre pour les étudiants à faibles revenus dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures aux États-Unis. (Illustration par Nessren Ourdyl)

La première fois que j’ai découvert ces dépenses supplémentaires, c’est en consultant les programmes pour mes cours d’automne en tant qu’étudiante de première année. Parmi les buts et objectifs du cours figuraient tous les matériels supplémentaires (et coûteux) requis pour chaque cours. Soudain, j’ai envisagé abandonner un cours d’art qui exigeait environ 200 USD de matériels afin de pouvoir me procurer le manuel nécessaire pour mon cours de langue. J’ai d’abord pensé que je pourrais y arriver en empruntant le livre au centre de ressources de mon université, mais quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai réalisé que j’avais également besoin d’un code coûtant 160 USD pour accéder à la plateforme de devoirs en ligne sur laquelle se trouvait le livre. J’avais deux options : abandonner le ou les cours ou trouver plusieurs emplois.

Beaucoup d’étudiants comme moi découvrent ces coûts cachés trop tard. Comme bien souvent nous n’avons pas accès à la liste des matériels requis pour les cours avant de nous inscrire, nous ne sommes pas en mesure de planifier à l’avance et nous avons du mal à payer les frais liés nos cours.

Aucun étudiant ne devrait avoir à abandonner un cours parce qu’il ne peut pas payer le matériel pédagogique requis.
— Nessren Ourdyl

En dépit de la couverture médiatique constante de ce problème, l’industrie des manuels scolaires n’a pas rendu ses produits plus abordables. Les données de 2021 révèlent que dans les établissements universitaires offrant des programmes de quatre ans, les étudiants de premier cycle dépensent en moyenne 1 240 USD par an pour des matériels de cours, comme les manuels scolaires et fournitures. Pour les étudiants dont les matières principales sont les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, ce chiffre peut être encore plus élevé, car ces manuels sont généralement beaucoup plus chers en raison de la nécessité de mises à jour fréquentes. Bien que l’accessibilité des matériels représente une difficulté pour de nombreux étudiants universitaires, des études montrent que les étudiants dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures, d’origine latino ou qui sont bénéficiaires d’aides financières sont plus susceptibles de subir un stress plus important que les autres étudiants en raison du coût des manuels. Ils sont également plus susceptibles de manquer de matériel ; en 2020, il s’est avéré qu’environ 65 % des étudiants de premier cycle interrogés avaient décidé de ne pas faire face aux coûts des manuels, tandis que 21 % avaient décidé de ne pas acheter de codes d’accès.

Les cours avec des matériels coûteux ne sont pas les seules expériences universitaires inaccessibles pour les étudiants à faibles revenus dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures. Les soirées, les études à l’étranger, les activités périscolaires et les opportunités de réseautage sont souvent hors de notre portée. Les repas au réfectoire remplacent un repas dans un restaurant chic ou un spectacle. De multiples emplois d’été remplacent les stages non rémunérés et les expériences à l’étranger. Les aspects importants des activités périscolaires universitaires, comme les conférences et les voyages pour participer à des concours, ne sont tout simplement pas possibles en raison des coûts de participation. Passer à côté de toutes ces expériences signifie que nous passons à côté de compétences, de mentors et d’opportunités de réseautage pour l’avenir.

Alors que les universités tentent de diversifier leurs populations d’étudiants, elles doivent soutenir ces étudiants tout au long de leur cursus au lieu de présenter des statistiques dont l’objectif est de stimuler le nombre de candidatures.
— Nessren Ourdyl

Alors que les écoles prennent l’initiative d’accepter davantage d’élèves dont les parents n’ont pas suivi d’études supérieures et à faibles revenus, elles doivent s’engager à les soutenir. Il est difficile d’entrer à l’université, mais y rester est encore plus difficile. L’enseignement supérieur est devenu une industrie, si l’on tient compte du nombre croissant de sociétés spécialisées dans les manuels qui exigent désormais l’achat de codes d’accès à usage unique, ou encore l’augmentation des frais de scolarité et des frais de subsistance. Les facultés et universités doivent s’assurer que tous les étudiants sont en mesure d’accéder aux produits de base, ainsi qu’aux matériels requis et aux activités périscolaires. Il peut s’agir de l’accès à un logement prioritaire, de matériels de laboratoire subventionnés et de codes d’accès aux manuels, ainsi que de réductions sur les repas et les laveries. Les établissements pourraient exiger des professeurs qu’ils utilisent des manuels open source, qu’ils augmentent la visibilité des programmes avant les périodes d’inscription et qu’ils n’encouragent pas l’utilisation de manuels en ligne chaque fois que cela est possible. Au niveau fédéral, le gouvernement a la possibilité de combler les écarts. En 2018, le Congrès a décidé de consacrer 5 millions USD du budget fédéral aux ressources pédagogiques en ligne, mais cela n’est pas suffisant. Les établissements doivent prendre des mesures supplémentaires pour soutenir les étudiants, en débloquant par exemple des subventions pour acheter des matériels pédagogiques, en particulier si les facultés pratiquent le déplacement des bourses d’études, où les fonds externes sont simplement absorbés pour remplacer les subventions institutionnelles.

Alors que les universités tentent de diversifier leurs populations d’étudiants, elles doivent soutenir ces étudiants tout au long de leur cursus au lieu de présenter des statistiques dont l’objectif est de stimuler le nombre de candidatures. De plus en plus d’étudiants issus de milieux à faibles revenus s’inscrivent à l’université, mais le soutien diminue une fois l’inscription passée à mesure que les ressources sont divisées. Aucun étudiant ne devrait avoir à abandonner un cours parce qu’il ne peut pas payer le matériel pédagogique requis.

Après mon premier semestre, j’ai réalisé, comme l’entrepreneure sociale Leila Janah l’a dit, que « les talents sont répartis de manière égale, mais les opportunités ne le sont pas ». Quand mes parents ont émigré aux États-Unis, ils ont quitté leur famille, ont mis leurs propres rêves de côté et ont dû faire face à tout un tas de tracas d’ordre financier et social afin que mes frères et moi-même puissions avoir accès à de meilleures opportunités éducatives. Mais même après avoir été acceptée dans une université prestigieuse, la bataille de ma famille n’a pas pris fin. Il est temps que les institutions américaines arrêtent de filtrer l’éducation et permettant seulement à ceux qui en ont les moyens et dont les parents en ont eux-mêmes bénéficié d’y accéder. Notre génération est confrontée à de nombreux défis, et le manque d’accès à une éducation égalitaire, équitable et de qualité représente l’un de ces défis les plus grands.

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Nessren Ourdyl

(she/her) is a first-year student at an American university. She is a first-generation American passionate about educational advocacy and accessibility and a lover of both art and science. You can follow her on Instagram.